Quartier Opera - Terreur sur les grands boulevards

À deux pas de l’Opéra de Paris, au cœur d’un superbe immeuble haussmannien, les soldats du feu affrontent un violent sinistre. Seule une demande de moyens adaptée et une reconnaissance approfondie du bâtiment leur permet de venir à bout du sinistre. Rembobinage.

Samedi 20 novembre, il est 10 h 30. En plein cœur des Grands Boulevards, au troisième étage d’un somptueux immeuble haussmannien du boulevard des Capucines, des ouvriers s’affairent au travail. Ils évoluent dans un open space en réfection de 900 m², ouvert et traversant.

Des ballots de laine de verre et d’autres produits isolants jonchent le plateau. Soudain, les ouvriers assistent, impuissants, à un très violent départ de feu.

En panique, ils quittent à toute allure le bâtiment et alertent les pompiers. Immédiatement, le départ normal, composé d’engins de la 7e CIS et renforcé d’un groupe habitation en anticipation, se rend sur les lieux. 

L’ENFER AUX FENÊTRES 

En premier COS, le sergent-chef Romaric C. du CS Saint-Honoré arrive sur place. 
Deux fenêtres flambent déjà. Fort heureusement, un balcon, situé à la jonction des troisième et quatrième étages, semble stopper les risques de propagation verticale.

Rapidement, les équipes pénètrent dans le bâtiment, gravissent l’escalier monumental en colimaçon, établissent leurs lances et démarrent l’attaque du troisième étage.

« Mes hommes dressent une ligne d’arrêt afin d’empêcher le feu de se propager à l’ensemble du niveau, détaille le sous-officier. Si le sinistre reste cloisonné au troisième étage, les fumées noires montent déjà au niveau supérieur. Il nous faut donc reconnaître rapidement l’ensemble du bâtiment. »

Assaillie par les flammes, la façade du bâtiment s’effrite.
De lourds blocs de pierre s’écroulent au sol, brisant les garde-corps au passage.

Après sa demande de deux engins-pompe (EP) supplémentaires, le chef de garde observe l’évolution du sinistre. 

« Les premières fenêtres s’éteignent, preuve de l’efficacité de nos lances. En revanche, le feu semble se déporter : les fenêtres avoisinantes s’embrasent. » 

Le chef de garde devine alors que le volume n’est pas compartimenté.
Autre indice : une fenêtre à l’extrême droite du bâtiment laisse échapper des fumées noires juste au niveau d’un échafaudage. 

Soudain, six fenêtres s’embrasent et une immense nappe de fumées noires s’échappe du toit

JE DEMANDE UN RENFORT INCENDIE 

En parallèle, le capitaine Alexandre Clastrier, officier de garde compagnie (OGC), arrive sur place aux côtés du chef de garde. Les deux hommes commencent à s’échanger leurs informations quand, soudainement, le feu prend une tout autre ampleur : au troisième étage, six fenêtres s’embrasent simultanément.
Signe d’un possible embrasement généralisé. 

« Mes porte-lances ont bien senti la chaleur monter », se remémore le sergent-chef C.. Pourtant, le plus inquiétant ne vient pas des fenêtres mais de la toiture. « Une immense nappe de fumées noires jaillit du toit, reprend le capitaine Clastrier. S’agit-il d’un embrasement en toiture ? L’incendie s’est-il propagé par les gaines techniques aux niveaux supérieurs ? À ce stade, impossible d’en avoir la certitude. »

Devant cette situation, l’OGC prend le COS. Il s’entretient longuement avec la PC pour convenir de la meilleure marche à suivre. « Il me faut principalement des EP pour procéder à des établissements ou à des reconnaissances, explique-t-il. 

Je peux également profiter de la place et de l’avenue de l’Opéra comme axe d’arrivée des engins. » Après un temps de réflexion avec l’officier PC, la décision est prise.

En plein cœur de Paris, il demande un renfort incendie, complété par quatre engins-pompe ! Par la suite, une sectorisation s’organise. Le sergent-chef Carré assure l’attaque massive du troisième étage et le capitaine Clastrier prend à son compte l’ensemble des reconnaissances dans les niveaux supérieurs. 

DES PROPAGATIONS INSIDIEUSES 

L’attaque massive se poursuit et les intervenants découvrent la véritable nature de cette étrange nappe de fumées, notamment au moyen du drone de la BSPP. 

En réalité, le troisième étage est surmonté d’une coupole. Au-dessus de celle-ci, un immense puits de lumière central remonte le long des étages. 

« Ce sont les fumées du troisième étage qui s’évacuent, devine alors le COS. Rien à voir avec de potentielles propagations. » 

Une découverte rassurante mais qu’il faut maintenant exploiter : si les fenêtres du troisième étage ont cédé face à la surpression, tous les autres étages restent enfumés.

Aussitôt, les pompiers en reconnaissance brisent les vitraux intérieurs du quatrième au septième étage. Cette action facilite grandement l’évacuation des fumées. En parallèle, le colonel Yann Le Corre, officier supérieur de garde, prend le COS afin de compléter le dispositif et de coordonner l’intervention dans son ensemble.

Copyright René Dosne — Reproduction interdite

 Au troisième étage, les soldats du feu poursuivent leur attaque massive entre les monceaux de gravats. Après plusieurs minutes, ils font une terrible découverte. L’incendie est parvenu à se propager insidieusement : guidé par deux puits de lumière, celui-ci s’est exfiltré jusqu’à une cage d’escalier de service. Celle-ci se consume maintenant du troisième jusqu’au septième étage. 

Heureusement, le renfort incendie, et surtout les engins-pompe demandés en masse, permettent d’adjoindre des moyens conséquents. Ainsi, le COS place une lance à chaque niveau de la cage d’escalier afin d’enrayer les propagations. « Nous avons bien fait d’effectuer cette demande en amont, atteste le capitaine Clastrier. Sans cela, l’intervention aurait sans doute connu une évolution bien plus défavorable. »

À l’extérieur, les spécialistes RSMU et du GRIMP, demandés en renfort par le colonel Le Corre, assurent le sondage et la sécurisation de la façade sinistrée. Les points d’intérêt concernent les parties où des blocs de pierre se sont écroulés mais aussi l’échafaudage touché par les flammes. L’intervention touche alors à sa fin.

Une occasion pour les chefs de secteur de prendre du recul. 

« Dans les grandes lignes, cet incendie rappelle le feu du Crédit lyonnais de 1996, analyse le capitaine Clastrier. Nettement moins de points défavorables, bien sûr, mais nous y retrouvons les problématiques inhérentes à ces grands immeubles haussmanniens. » 

Enfin, après quatre heures d’intervention, 223 pompiers engagés et dix lances déployées, le feu est finalement éteint. Les soldats du feu peuvent déblayer tout le troisième étage ainsi que l’ensemble de la cage d’escalier de service. Fort heureusement, aucun blessé grave n’est à déplorer.


Points favorables

  • L’incendie se déclare un samedi matin dans un immeuble exclusivement composé de bureaux. Les locaux sont donc inoccupés.
  • La coupole du bâtiment propose un immense puits de lumière central, permettant d’évacuer les fumées.
  • Le hall monumental ainsi que le grand escalier en colimaçon facilitent l’établissement des lances.
  • L’intervention se déroulant en plein Paris, les hydrants sont nombreux et correctement répartis.
  • Un balcon (C+D) situé entre le troisième et quatrième étage stoppe les propagations verticales en façade.

Points défavorables

  • Difficile de couper les accès aux Grands Boulevards sur la place de l’Opéra : l’un des lieux les plus touristiques et fréquentés de Paris.
  • L’immeuble est exigu, en partie, et dissimule des puits de lumière et des cages d’escalier.
  • La façade du bâtiment s’effrite et des blocs de pierre s’écroulent sur la chaussée, provoquant un risque d’accident et condamnant l’une des entrées.

Photos : CPL Cyrille Nicolas

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